
“L’évolution des recettes de la TPF est inversement proportionnelle à la croissance du fichier des redevables.”
Comment peut-on évaluer à date l’évolution des réformes effectuées pour la taxe foncière?
A ma connaissance, les dernières réformes relatives à la taxe sur la propriété foncière (TPF) remontent à une date bien lointaine, celle visant à confier la collecte de cet impôt aux entreprises de distribution de l’électricité n’ayant pas abouti en 2017. Les mesures les plus récentes portent sur la gestion de cet impôt, notamment la mise en œuvre de la déclaration pré-remplie (DPR) et l’amnistie fiscale accordée aux redevables de ce prélèvement. L’évaluation que nous avons jusqu’ici nous permet de constater que depuis l’exercice 2017, l’évolution des recettes de la TPF est inversement proportionnelle à la croissance du fichier des redevables. A ce jour, je ne dispose pas des données statistiques des recettes de la TPF au titre de l’exercice 2022. Nous espérons que le redressement du rendement de cette taxe sera amorcé en 2022 après ce violent décrochage.
Les efforts déployés pour élargir l’assiette fiscale des recettes non pétrolières donnent généralement des résultats positifs, sauf pour les secteurs comme celui de la taxe foncière. Pourquoi?
Ces mesures ont permis à l’élargissement de son assiette qui s’est traduit par l’évolution du fichier des contribuables. Le nombre d’assujettis à la taxe foncière est ainsi passé de 170518 en 2015 à 660469 en 2016, soit une augmentation de 287%. Le problème est qu’après le frémissement observé en 2016 (3 905 000 000 F), soit une augmentation de 124%, cet élargissement de l’assiette de la TPF se traduit plutôt par une baisse des recettes: 3 652 000 000 F en 2017, soit une chute de 6,5%; 2 443 000 000F en 2018 soit une chute de 33%; 2 249 000 000 F en 2019, soit une chute de 8%; 2 044 000 000 F en 2020, soit une chute de 9%. L’absence des mesures incitatives et les crises sécuritaires dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest, de l’Est et de l’Extrême-Nord évoquées dans le rapport décennal de la DGI ne peuvent pas à elles seules justifier cette décrue, ces régions n’étant pas les mieux dotées de la matière imposable. La manière dont la déclaration pré-remplie de la TPF a été mise en œuvre en l’absence d’un travail en profondeur et en s’appuyant seulement sur le fichier d’ENEO y est forcément pour quelque chose.
Pourquoi les efforts déployés à travers l’amnistie fiscale, la digitalisation et autres traînent à rallier l’adhésion des propriétaires?
Comme l’amnistie fiscale, la digitalisation n’est pas une panacée. La digitalisation n’est qu’un moyen de facilitation de la gestion de l’existant qui ne doit pas se limiter à la déclaration et aux formalités en ligne. Elle ne peut produire des résultats positifs que lorsque les problèmes de fond tels que la maîtrise de l’assiette d’un impôt ont été réglés au préalable. Passer à la digitalisation sans l’avoir fait est un saut vers l’inconnu.
Comment densifier la perception de la taxe foncière au Cameroun?
Notre système fiscal étant déclaratif, l’administration fiscale doit créer les conditions amenant le redevable de la TPF à se sentir cerné et l’obligeant à s’acquitter spontanément de ses obligations fiscales. Pour ce qui est de la taxe foncière, il faut régler le problème structurel du cadastre fiscal qui réside principalement dans la dispersion des compétences entre l’administration en charge des domaines et du cadastre et celle en charge des finances. Il faut également que l(administration fiscale se départisse de la suffisance dans laquelle elle s’est installée en se dotant de sa propre base de données sur les immeubles urbains bâtis ou non. Le fait que cette administration qui enregistre tous les actes des mutations immobilières ne dispose pas de sa propre base de données des immeubles urbains est un gros handicap pour la collecte de la taxe foncière. Il est enfin impératif de ressusciter le sommier immobilier créé par l’article 40 du décret qui permettait d’inventorier le patrimoine immobilier des personnes physiques et morales et d’en suivre l’évolution dans un but essentiellement fiscal.
Propos recueillis par H.F
Business Cameroon N°286 du mercredi 16 au mardi 22 novembre 2022